Duel de mascottes avant l’Euro
Elle a créé « P’tit foot » en 2014 en vue de l’Euro-2016. L’a proposé à l’UEFA. Qui, six mois plus tard, dévoilait « Super Victor », la mascotte officielle. La Vertusienne Claire Faucon se dit lésée.
C’était le 3 mai 2014. Plusieurs instances, parmi lesquelles le ministère de l’Education nationale et la fédération française de football (FFF), signaient une convention de partenariat en vue de l’Euro-2016 (10 juin-10 juillet). Parmi les objectifs énoncés, celui de « renforcer les pratiques diverses du football » dans le cadre scolaire. Le document était relayé dans les écoles du pays.
Claire Faucon est directrice – et enseignante – de l’école élémentaire de Bergères-les-Vertus. Et elle aime le football. Et elle dessine. Ayant eu connaissance de la convention de partenariat, elle se prend au jeu. « Je me suis dit qu’en termes de valeurs, ce serait intéressant que la mascotte de l’Euro-2016 représente un enfant – public de base pour ce sport – ce qui n’avait encore jamais été le cas », confie-t-elle. Jusqu’à présent, les mascottes des précédentes compétitions représentaient en effet des créatures virtuelles ou semi-virtuelles – telle Footix pour le Mondial 98.
Claire Faucon créé « P’tit foot » : un enfant revêtu d’une tenue de footballeur bleu-blanc-rouge, un pied posé sur un arc-en-ciel tandis que l’autre tente d’attraper un ballon bleu-blanc-rouge. Le 15 juillet 2014, elle dépose son « P’tit Foot » à l’institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) – numéro national 14 4 105 516 – afin de protéger sa création. « P’tit foot » se matérialise sur quelques stylos, aujourd’hui en vente à la librairie de Vertus et une grande surface du secteur. La directrice d’école prend ensuite contact avec l’UEFA (union européenne des associations de football) et la FFF « en leur décrivant ma démarche pédagogique et intellectuelle. Je leur demande s’ils sont intéressés ou pas. Et en octobre, on m’a répondu qu’on me rappellerait peut-être » . Le 18 novembre 2014, « Super Victor », mascotte officielle de l’Euro-2016, est présentée. Tout le monde découvre un petit garçon vêtu d’une cape rouge et tenant un ballon sous le bras. Si « Super Victor » ne ressemble pas à « P’tit foot », Claire Faucon s’estime lésée.
PAS UNE COPIE SERVILE
« Je défends l’antériorité d’un concept – l’enfant avec un ballon – sous-tendu par un dessin , détaille-t-elle. Ce n’est pas mon dessin en tant que tel que je défends, ce n’est pas une copie servile qui en a été faite, mais mon idée. » La Vertusienne contacte à nouveau la FFF et l’UEFA. Le 12 janvier 2015, l’UEFA lui répond par courrier : « Le respect des droits de propriété intellectuelle est très important aux yeux de l’UEFA et nous prenons vos allégations très au sérieux, même si en l’occurrence celles-ci s’avèrent totalement infondées. » Et de conclure quelques lignes plus loin : « Une simple idée ne saurait être protégée en tant que telle et le fait que la mascotte (…) consiste, à l’instar de votre personnage, en une figure humaine portant les couleurs de la France et faisant référence au football, ne saurait constituer une quelconque atteinte à vos droits. »
Claire Faucon ne sait alors quelle suite donner . Les mois passent. Suite aux recommandations d’amis, elle décide de demander conseil à un avocat. Elle rencontre M e Ludot en octobre, lequel estime recevable, juridiquement parlant, la démarche de la Vertusienne. Le 30 décembre dernier, l’avocat dénonce à Jacques Toubon, le Défenseur des droits de l’homme, une « discrimination caractérisée » et « un non-respect de la reconnaissance intellectuelle » dont serait victime Claire Faucon. « Il ne s’agit pas de contrefaçon mais on lui a chipé une idée. Moralement, c’est choquant, on n’a pas respecté une initiative prise de manière désintéressée.
Reste à savoir si M. Toubon et ses services auront la même appréciation. La semaine dernière, un rapport a été ordonné afin de décider si oui ou non, « P’tit foot » peut être juridiquement considéré comme un ancêtre de ce « Super Victor » qui s’apprête à déferler dans les prochains mois sur le territoire.
Source : L'Union Edition Epernay (16/01/2016)