La vaccination obligatoire à nouveau remise en question
Refuser de vacciner son enfant reste-il un délit, ou bien relève-t-il du droit à la santé et à la liberté de chacun chèrement défendue par la Constitution ? Réponse demain avec l'avis très attendu que rendra le Conseil constitutionnel.
La haute juridiction se prononcera en effet sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui lui a été soumise par des parents condamnés pour avoir refusé qu'on administre à ses enfants le fameux DTP contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Ce dossier ultrasensible intervient à l'heure où une partie de la population marque sa défiance vis-à-vis de la vaccination dite obligatoire. Voilà six mois, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) avait proposé d'ouvrir le débat sur cette particularité française. De son côté, le gouvernement n'a pas attendu que les sages se prononcent sur le sujet. Fin février, la députée PS Sandrine Hurel a été chargée d'une mission «pour faire évoluer le principe de l'obligation vaccinale et lever les obstacles financiers à la vaccination».
Un vieux combat
Le combat ne date pas d'hier. Le principe des vaccinations, sans lesquelles on ne peut inscrire un enfant en crèche, à l'école, en garderie ou en colo, est refusé par certains parents qui redoutent les effets secondaires de vaccins qui, en plus, font la richesse des grands labos. pharmaceutiques.
Si les autres vaccins (variole, BCG, ROR…) ne sont plus obligatoires, il n'en est pas de même pour le DTP. Le couple de l'Yonne en sait quelque chose qui a été condamné en octobre par le tribunal d'Auxerre, après avoir été «dénoncé» par un pédiatre hospitalier et le conseil général pour n'avoir pas vacciné leur fille de trois ans. Le fait de se soustraire à ces obligations légales «au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant» expose le citoyen à 2 ans de prison et 30 000 € d'amende.
Au demeurant, le couple, Marc et Samia Larère, a clairement explicité son choix. Pour lui, les seuls vaccins aujourd'hui disponibles combinent le DTP à d'autres comme la coqueluche, l'hépatite B ou la méningite, qui eux, ne sont pas obligatoires. En outre, les époux Larère ont affirmé avoir reçu, à leur demande, du laboratoire Sanofi Pasteur deux vaccins ne ciblant que la DTPolio, mais qui contenaient «un produit toxique».D'où la question prioritaire de constitutionnalité posée à l'audience du 9 octobre par leur avocat, Me Ludot. Les juges ont accepté de la transmettre à la Cour de cassation, qui l'a elle-même transmise au Conseil constitutionnel. La haute juridiction devra trancher dans une question qui oppose le droit à la santé inscrit dans le préambule de la Constitution, et les dispositions du code pénal et du code de la santé publique.
On devine la conséquence qu'aura la décision des conseillers pour tous les parents, réfractaires ou pas aux vaccins.
L'embarras des Sages
«Si le Conseil constitutionnel dit sur le fond qu'on ne peut imposer la vaccination aux citoyens, cela aurait des conséquences considérables. Même si mon avis n'est pas juridique, je ne crois pas un instant à une décision des sages dans ce sens», nous indiquait hier André Thalamas, avocat spécialiste du droit public. Pour preuve, on se souvient, suite à la loi Kouchner, de l'action menée par des Témoins de Jéhovah qui voulaient faire prévaloir leurs droits à ne pas recevoir de transfusion sanguine. Le Conseil d'État, malgré l'opposition des parents, avait défendu le droit à la vie comme valeur sociale par rapport à la liberté individuelle. J'imagine mal que le Conseil constitutionnel revienne dessus. La vaccination est supposée protégée celui qui est vacciné, mais également tout son environnement. Mais ce qui existe en matière de santé humaine vaut également en matière agricole. L'an passé, un vigneron de Bourgogne avait été condamné pour avoir refusé d'appliquer un traitement rendu obligatoire par le préfet. Ces affaires procèdent de la même logique.», conclut le juriste.
Source : Ladepeche.fr