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Affaire MURRAY

"S’agissant de la décision obtenue par les fans de Mickaël JACKSON :  j’ai travaillé de manière désintéressée compte tenu du caractère exceptionnel de cette procédure.
Cette décision est une première mondiale." 
Me LUDOT Emmanuel

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Réinsertion : la reconversion compromise d’un détenu libéré après une longue peine

Après 32 ans de détention, Gilbert Ghislain est en liberté conditionnelle depuis 2015. Accusé d’avoir violé les termes de cette libération, celui qui s’est installé en Espagne, où il gère un bar, pourrait retourner derrière des barreaux. Il doit être fixé sur son sort ce jeudi.

Il était censé en finir définitivement avec sa (très) longue histoire avec l’univers carcéral le 14 juillet prochain. Remis en liberté en septembre 2015 après 32 ans passés derrière les barreaux, Gilbert Ghislain devait, ce jour-là, fêter la fin de sa mesure de libération conditionnelle. Et ainsi se sentir pour la première fois depuis très longtemps entièrement libre.

Aussi près de l’échéance, l’ancien taulard se retrouve pourtant sous la menace d’un retour par la case prison. Considérant qu’il avait violé les obligations de sa mesure (en s’installant en Espagne notamment), le tribunal d’application des peines (TAP) a révoqué sa libération conditionnelle le 22 février dernier. Gilbert Ghislain a fait appel et l’audience doit se tenir ce jeudi.

Après une enfance difficile et une adolescence à zoner dans les squats, Gilbert Ghislain se lance très jeune dans les braquages. Incarcéré pour la première fois en 1983, il écope d’une lourde condamnation à 18 ans de prison trois ans plus tard. Dès lors, celui qui a grandi en Haute-Garonne n’a plus qu’une obsession : s’évader de la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) où il a atterri.

En novembre 1990, lors de sa deuxième tentative réussie, il se fait cueillir à la descente de l’hélicoptère en Espagne. Il passera en tout vingt et un ans à l’ombre de l’autre côté des Pyrénées. Un séjour au cours duquel il tue un codétenu. « C’était lâche et j’en ai honte », nous confiait-il il y a trois ans. Remis à la France en 2011, il est finalement libéré en 2015. Sous bracelet d’abord, en conditionnelle ensuite.

M. Ghislain semble avoir trouvé un certain équilibre

De retour à l’air libre dans un monde qui a beaucoup changé sans lui, Gilbert Ghislain a pour projet de se lancer dans le commerce équitable. « J’ai toutes les attestations qui le prouvent, assure-t-il. Mais comme j’ai été condamné en France, je n’avais pas le droit de devenir autoentrepreneur. Ça n’a pas facilité ma réinsertion. »

L’ancien rebelle anarchiste désormais adepte du yoga se voit plutôt un avenir en Espagne. À plusieurs reprises en 2017 il obtient des autorisations temporaires pour se rendre de l’autre côté des Pyrénées. Courant 2018, il prend la gérance d’un bar en Andalousie. Le service d’insertion et de probation (SPIP) qui l’accompagne depuis sa remise en liberté voit sa reconversion d’un bon œil. Mais le 16 avril 2018, son rendez-vous avec le JAP se passe mal. « Elle m’a reproché de fournir des documents en espagnol non traduits. Mais moi je n’avais pas les moyens de le faire », se lamente Gilbert.

Qu’à cela ne tienne, l’ancien détenu continue à s’investir dans son projet de bar qu’il inaugure en juin 2018. « Je me suis énormément impliqué et ça marchait bien », se félicite-t-il. Le SPIP est lui aussi conquis. « Après une longue période de détention et un temps de réadaptation en milieu libre, monsieur Ghislain semble avoir trouvé un certain équilibre entre son activité professionnelle et sa vie personnelle », souligne le service.

Mais Gilbert Ghislain n’a pas obtenu de nouvelles autorisations pour quitter la France. Il est, de facto, en violation des termes de sa libération conditionnelle. La juge le convoque à plusieurs reprises fin 2018. « Je n’avais pas conscience d’être en infraction, se défend-il. J’ai pété les plombs en recevant les convocations. Alors que j’essaye de m’en sortir et que le bar marche bien, on n’arrête pas de me mettre des bâtons dans les roues. »

J’ai vraiment tout essayé pour m’en sortir

À deux reprises, fin 2018 et début 2019, l’ancien taulard ne se rend pas aux convocations du juge. « Force est de constater que monsieur Ghislain […] a fait le choix de s’affranchir de sa peine », cingle le jugement du TAP du 22 février en constatant que son adresse en France (chez son frère) est « devenue une domiciliation purement fictive lui permettant d’obtenir les allocations sociales ». Au passage, le tribunal égratigne le SPIP en laissant entendre que les conseillers ont été trop conciliants avec lui.

« J’ai vraiment tout essayé pour m’en sortir. J’ai bossé comme un fou mais je me retrouve maintenant sous la menace d’un retour en prison. Je ne me vois pas y retourner, même pour trois mois », s’épanche Gilbert Ghislain. Son avocat, dépité que son client n’ait pas répondu aux dernières convocations des magistrats, voit surtout dans les déboires de son client l’illustration d’un phénomène plus global.

« Cela montre à quel point les détenus qui sortent de longue peine ont des difficultés à se réinsérer, explique Me Emmanuel Ludot. Son cas est malheureusement classique car il n’est pas rare de voir des personnes qui ont passé aussi longtemps derrière les barreaux tout faire pour y retourner, consciemment ou inconsciemment. » L’avocat espère néanmoins obtenir de la cour d’appel une décision clémente qui empêche à son client de retourner à l’ombre. Gilbert Ghislain n’est pas serein. « J’ai peur », concède-t-il.

Source : Le Parisien

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