Un couple a obtenu le droit de conserver les cellules souches de son bébé.
C'est un garçon qui s'apprête à naître. Mais il porte déjà en lui un lourd poids. Le père de sa maman est décédé d'un cancer du pancréas en 2010. Sa grand-mère paternelle a, elle aussi, été emportée par un double cancer, du pancréas et du foie. Quant à son papa, il souffre de pathologies héréditaires lourdes.
Aussi le tribunal de grande instance de Grasse (Alpes-Maritimes) vient-il d'autoriser ses parents, Aurélie et Pierre*, à conserver le sang de son cordon ombilical. Car celui-ci est riche en (précieuses) cellules souches et ils espèrent que les progrès de la médecine lui permettront un jour de s'en servir, « au cas où » l'enfant développerait une maladie grave. « C'est la première fois que la justice autorise une conservation par anticipation », se réjouit leur avocat, Me Emmanuel Ludot. En France, il est possible de faire un don de sang de cordon mais la préservation à des fins privées est interdite. « Les cellules hématopoïétiques (NDLR : souches) du cordon peuvent être prélevées dans un cercle familial, si un frère ou une soeur souffre par exemple d'une leucémie, mais jamais pour soi-même », rappelle le professeur Ibrahim Yakoub-Agha, responsable des greffes au CHU de Lille.
Le tribunal en a décidé autrement. « Au regard des nécessités thérapeutiques dûment justifiées », dit l'ordonnance judiciaire. A sa naissance — imminente — le bébé aura donc son sang de cordon et de placenta prélevé. Celui-ci sera envoyé à une banque de conservation anglaise qui le conservera à - 176 °C. Pourquoi pas en France ? « Toutes les maternités ne sont pas agréées. Il y avait des contraintes fortes », justifie l'avocat. Pierre et Aurélie, couple de quadragénaires dont c'est le premier enfant, n'ont pas saisi la justice « par coquetterie ». « Ils ont assisté à plusieurs décès dans leur famille et étaient inquiets », insiste Me Ludot.
Les spécialistes perplexes
Une décision qui laisse perplexes les spécialistes. « Il s'agit plus d'une décision humaine, pour pallier l'angoisse des parents, que basée sur des fondements scientifiques », estime Noël Milpied, chef du service d'hématologie et de thérapie cellulaire au CHU de Bordeaux. « Si cette décision fait jurisprudence, cela pourrait devenir inquiétant. On verra se développer des démarches plus commerciales que médicales », renchérit Ibrahim Yakoub-Agha. C'est déjà le cas en Angleterre, où des sociétés privées de stockage comptent le footballeur Thierry Henry et le chanteur Rod Stewart comme clients.
Aurélie et Pierre s'appuient sur l'évolution des traitements. « Les recherches avancent si vite que les cellules souches constituent un véritable potentiel de guérison. Peut-être un jour soigneront-elles des cancers du pancréas », confie leur avocat, rappelant que la conservation peut durer un, dix ans ou quarante ans...
* Les prénoms ont été changés.
Source : La Parisienne