Le pompiste braqué par les Kouachi va de plus en plus mal
Le 8 janvier 2015, au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, les frères Kouachi braquent la station-service Avia, sur la RN2 dans l’Aisne. Dix ans après, le traumatisme est plus que jamais présent pour l’employé.
Dix ans se sont écoulés depuis le braquage par les frères Kouachi de la station-service Avia, sur le bord de la RN 2, à Villers-Cotterêts, dans l’Aisne. En cavale, au lendemain de l’attentat de Charlie Hebdo, Chérif et Saïd Kouachi avaient surgi face Ivo Magalhaes, l’employé, pour exiger de la nourriture. Le jeudi 8 janvier 2015 à 9 h 26, les quatre minutes de confrontation ont fait basculer du jeune homme.
Maître Emmanuel Ludot, son avocat rémois, estime que le temps ne fait pas son œuvre d’apaisement pour son client : « Je trouve qu’il va de plus en plus mal. » En septembre 2024, le procès de Peter Chérif, soupçonné d’avoir participé à la formation de Chérif Kouachi en vue de l’attentat du 7 janvier 2015, a « ravivé le traumatisme », souligne l’avocat. Son client « s’est terré complètement, n’a pas souhaité prendre la parole ».
« Ne t’en fais pas, ça sera bientôt fini »
Il tente d’expliquer : « Le traumatisme à la suite d’un attentat est une maladie qui ne se guérit pas. Les victimes le supportent jusqu’à la fin de leurs jours, c’est une certitude. » Selon Me Ludot, son client souffre d’un triple traumatisme : « D’abord celui d’avoir été confrontés aux frères Kouachi », auteurs d’un massacre commis la veille du braquage de la station-service. Les deux hommes sont alors recherchés par toutes les polices de France.
« Il y a aussi de ce qu’ils lui ont dit. Ça l’a complètement déstabilisé. » Si les deux terroristes portent deux kalachnikovs et un bazooka, ils ne se montrent pas violents, physiquement, avec le pompiste : « Ils l’ont rassuré, verbalement. Ils lui ont dit de ne pas s’inquiéter, qu’ils ne le tueraient pas : “On n’est pas là pour ça. Ne t’en fais pas, ça sera bientôt fini”. »
« Pourquoi un pompiste aiderait-il les frères Kouachi ? »
L’avocat analyse : « Ils auraient été menaçants, paradoxalement mon client s’en sortirait mieux aujourd’hui car il y aurait le bien et le mal. Pour lui désormais, il y a une porosité entre les deux. Il n’a plus confiance dans le monde dans lequel il vit, se sent en insécurité .»
Troisième traumatisme vécu ce jour-là : celui lié au sentiment de ne pas être cru. Le pompiste avait appelé les forces de l’ordre après le départ des deux terroristes : « Il a indiqué qu’ils étaient partis vers l’aéroport de Roissy mais on ne l’a pas cru. Il s’est senti interrogé comme s’il avait été un complice. Pourquoi un pompiste aiderait-il les frères Kouachi ? Il dit qu’ils ont perdu du temps à cause de leur bêtise. »
En 2019, le jeune homme s’était exprimé dans un livre intitulé « Moi, Ivo, victime de guerre » : « Ça lui avait fait du bien sur le coup ». Mais dix ans après ces quatre minutes de face-à-face, tout cela compose « un mille-feuille dont il ne se sort pas. »
Source : L'Union